retour sur @lyon coup de coeur du jour discussion roulette meteo locale La ville/la banlieue : un rêve dehors/dedans retour
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Claude RODA-DANIEL, né à Paris il y a 52 ans. Auteur après avoir été longtemps animateur, notamment à la Maison de la Culture de Chalon sur Saône. Dispose de tout son temps pour étudier toutes propositions de spectacle musical à partir de son texte. Peut rechercher avec d'autres des partenariats divers à partir d'un projet plus avancé qu'en l'état: partie musicale défaillante.

N'hésitez pas à me contacter. Merci à tous.


ACTE I ACTE V, Scènes 1 2
ACTE II, Scènes 1 2 ACTE VI, Scènes 1 2 3 4
ACTE III, Scènes 1 2 ACTE VII, Scènes 1 2
ACTE IV  

 

PERSONNAGES

    Dyskreth-la-Disquette: femme noire
    Le-Conteur-assassiné-par-La-Casquette-enfin-peut-être: homme ou femme travestie
    Le Déployé-du-Jazz-qui-relève-le-Conteur-et-son-saxophone: homme ou travestie jouant du saxophone
    ACOKETH: jeune femme métissée portant masque ou signes
    L'Auteur-qui-prend-de-la-hauteur: homme ou travestie comme précédemment
    BIBAL: jeune homme d'assez grande taille, blanc sans excès
    La Semaine-et-sa-déprime: homme travesti en femme portant pantalon, chasuble et haut-de-forme ou femme ainsi vêtue
    La-Ville/La-Banlieue: chantée par homme ou femme
    La-Cité-des-Balkans: chantée par une femme
    Le-Boucher-et-le-Garçon-Boucher: homme avec un gros ventre de comédie et d'assez grande taille
    Smartbra-y-a-du-monde-aux-Balkans: femme d'apparence réaliste avec beaucoup de soin et d'affection
    Mimi-Ras-la-Touffe-a-eu-son-bac-pro: femme d'apparence réaliste avec une recherche de la parodie vestimentaire
    Les-Insurgés: ensemble avec un minimum de costumes
    Le-Choeur-Final-et-la-Flûte-de-pan: ensemble dans les costumes originaux des différents personnages

 

ACTE PREMIER

Dyskreth-la-Disquette : (c'est une femme noire sans âge, vêtue d'un boubou ou de tout autre signe distinctif africain. Elle se trouve dans une pénombre devant le rempart, faiblement éclairé par derrière. Des lumières rasantes venant de l'avant aident à l'audibilité des propos. Elle va raconter, à sa manière, tournée tantôt vers elle, tantôt vers le public, l'histoire du spectacle. Elle parle aussi de sa souffrance: une musique d'accompagnement à l'accordéon avec une tendresse lascive pour la diseuse qui est soutenue dans son effort de clarté, sa confession).

_ Ah! Les bribes triomphantes de mon silence
Ces mots-là empruntés à bien des jours défunts
Quand tourne dans sa ronde ma médisance
Cette histoire que jamais rien ne dépeint

Il fallut priver ce jour du joug du destin
Ne rien donner à voir du complot des rôles
Pas un cri pas un pas pas à pas un refrain
Rien ne presse quand les défis font la gnôle
(un temps de silence, un léger soupir).

Au pied de la cheminée parvint un flutiau
Pas de méprise sous l'arbre aux devises
Dans l'ombre grise ou rougit un fourneau
Les coups à l'âme fatale font la prise

Survint -sourire fécond- un second flambeau
Le martyre sied au poids de la blessure
La menace distrait l'angoisse sous la peau
Arme un vaisseau à quelques encablures

Au loin les impératifs du grand rendez-vous
Trainent leurs asisses du vent près la brise
De gré ou de force la main de ses atouts
Le coeur haut et son désir ardent qui brise

A chacun manquait la vie à tire-d'ailes
Un avenant jouait à renouer le fil
Alors que son spectre s'enraya dans le ciel
D'une étoile se fit une presqu'île

Les tueurs s'approchèrent jusqu'à être près
Des humeurs attisaient un feu sous la haine
Celui qui parla en premier força le trait
Bêlant au mouton se réjouit de sa laine

L'autre au bal maudit d'un jeu de mots s'éprend
Au rade des tricheurs d'un quatre-vingt-et-un
D'un écart leste s'évite le mât du sampan
Hurle en retour d'une voix claire d'airin

Celles du destin se défirent de l'ombre
Ceux du fretin d'un pan de lumière noire
De la chevalerie ils adoraient l'hongre
Les pas chavirés d'un destrier sous l'éteignoir

Le premier coup fut porté le signal donné
Des ailes muettes s'ébattirent dans le noir
L'envol d'une buse dans un regard paumé
Assignait au sang le tain comme au miroir

Ils tirèrent la frénésie de son tiroir
Une senteur d'armoise tel un renouveau
La grâce primesautière d'un encensoir
Qui s'en vient va volte et enivre son sceau

Puis à l'enclin du langage de la foudre
A toutes fins et leurs regrets inutiles
L'air serein qui sied à la joie d'en découdre
Le coeur fut à tous d'engager le lien subtil

Ils entreprirent tôt la nuit et ses défis
Le front l'affront la trace brune des faunes
L'exigence mutuelle d'un hautain conflit
Au fond des tréfonds la veine pie des fauves

(nouvelle pause dans le récit, elle se parle plus franchement à elle-même)

Charme secret d'une déesse aux aguets
La mélodie s'ébroue sous le campanile
Dans la curée crie l'intestin des chiens d'arrêt
D'un rien nait la visée d'un tueur facile

Je suis témoin dans le fracas de ces êtres
La parole percée du berceau à l'égoût
Lorsque leurs vies au zénith font une fête
Les cantiqu'hantés ont des rimes de dégoût

Les jours alignés contr'une rangée de tags
Font au carrefour un élan vers la sortie
L'odeur douce-amère d'un terrain vague
Un futur un faux-jeton jeté à l'ortie

Puissent encore les taillis s'armer de bleu
Les fous de Dieu prédire la croix d'un lavis
Je suis un vil témoin l'âme d'un contre-feu
Princesse asservie la gorge à l'envi

Ils ont fait un crédit aux sanglots dans ma voix
Attristé le fard des comédies à l'encan
Cru dans les préjugés de leurs bêtes de proie:
Un grand vide tout le jour qui choisit son rang

Leurs emprunts mes déduits une horde qui fuit
Un sérail qui retourne la herse du temps
Une thèse que frissonne l'oiseau de nuit
L'intime parade d'un héron sur l'étang

Et quand prévalut bruni l'éclat du surin
On comptait à peine l'entrelacs des maudits
Qu'une golconde a exigé pour butin
Enlevant à d'autres d'une fin le dédit

(Dyskreth arrête là son monologue. Elle reste immobile pendant que les lumières tombent doucement. Puis elle se lève comme dans un ralenti et sort par la cour. Noir).

ACTE II

SCENE I
(décor noir avec une poursuite)

Le-Conteur-assassiné-par-La-Casquette-enfin-peut-être : (il a de grandes mains, fines ou osseuses et s'en sert beaucoup pour faire de grands gestes complices au public qu'il veut mettre dans sa poche. Il est démagogue et ambigu. Produit de son temps entre séduction et dérision il ne sait exactement comment dire et faire, n'est pas certain d'être réellement imaginatif aussi fait-il ces grands gestes, a quelques marques blanches sur le visage à la façon d'un clown, et peut-être interprété par une femme avec un chapeau haut-de-forme).

_ "Je suis Le-Conteur, le témoin de la-Ville, le chantre de la-Banlieue. Je raconte les histoires comme elles se sont réellement passées dans mon imagination fertile.

(Il se racle doucement la gorge presque en catimini).

On murmure que je suis un homme dangereux.

(Il recommence à se racler la gorge mais cette fois de manière plus ostensible et avec une certaine fierté).

Car je suis censé tout savoir des débats intimes, des ébats publics ! c'est peut-être le contraire-en vérité- (il se racle à nouveau la gorge mais sans excès)-mais je te fais confiance spectateur mon faire-valoir bien aimé, pour juger de cela après moi.

(Il semble ne pas croire à ce qu'il va dire, il emploie un ton affecté).

En effet je serai mort bientôt et j'emporterai avec moi les secrets de La-Ville Dehors/Dedans, de la-Banlieue et de ses regrets aussi. Je suis Le-Conteur, le bonimenteur du bonneteau sous le manteau, le malin du matin au soir sous l'étouffoir et sur mon carton pâte à modeler mais pas tant que cela je donne le la un peu là! Bien qu'un peu las-la-la-la-la! J'écris les intertitres, dans les interstices d'un épisode intime et intimé et tant aimé sous la dent de sagesse sous l'ardent de sa geste dont je serai avec moi le héros définitif.

(Il ne convainc pas, et devient emphatique).

Ma mort rôde dans mon dos, telle une vieille prostituée elle s'accorde à l'amble de mes pas, accrochée au lustre de mon dernier temps. Un effort encore au gré d'un jeu de mots de vilain.

(un silence, il s'angoisse brusquement puis prend un accent pédant) Je parle par trop, mes mots si rares sont comptés.

Je serai tôt mort et livide tel un héraut tout entier à l'inclination de l'impétuosité de sa légende.

(il s'interroge avec un peu d'ironie).

J'ai dit à l'inclination de l'impétuosité... Grands Dieux quelle audace dans un pareil instant !

(Il semble reprendre quelque vigueur).

Mais auparavant je vais pouvoir déclamer la véritable histoire des bas-fonds, des bas-de-plafond et des hauts-de-chausse, des bas résille et des contrats qu'on résilie, des hauts et des bas, des oh ! et des ah !, des hérauts et des débats, de l'éros et des ébats, de l'héro et des bras, et des blablas et des bla-bla-blattes!

(il regarde le public pour voir l'effet produit, semble heureux de lui, reprend haut la narration sur un mode badin).

ACOKETH entreprît de s'émanciper et y parvint.

BIBAL le héros- devrais-je dire "héraut"- comme on disait autrefois- eut un comportement tel qu'on eut dit qu'une citadelle était à prendre, une rebelle à se méprendre, une mirabelle à se pendre, une hirondelle à se vendre, une escarcelle à se fendre, une pucelle à s'étendre ! Sa résistible réputation à elle était parvenue après qu'elle eut fait un grand tour tant propre à la rumeur. Mais...Mais...

(il/elle passe la main autour de son cou et s'étrangle, il tente de prononcer un mot de plus mais il est trop tard!. Fin de la scène sur un fondu. La lumière revient sur le personnage de:)

SCENE II

Le-Déployé-du-Jazz-qui-relève-le-Conteur-et-son-saxophone : (comédien-ne jouant du saxophone et porteur d'une casquette. Un morceau de musique un brin angoissant fait le lien entre les deux scènes. La musique commence dans le noir et se déploie doucement au-delà de la pleine lumière. Le-Déployé semble surpris de ce qui lui arrive, mais est-on obligé de le croire? Il est probable que le précédent comédien ait changé de costume. Le-Conteur est remplacé par un mannequin à son image et articulé a minima afin qu'on puisse bouger bras et jambes dans la scène finale. Il est agrémenté de fluo pour les besoins de la scène suivante).

(Il semble étonné)

_ "Quelle drôle d'histoire. Quelle bien curieuse vie enfin. Je me rendais à la répétition, m'apprêtais à saisir au vol mon bus et brusquement il y eut un grand éclair noir dans ma tête. Puis plus rien...Sinon une quasi immédiate et redoutable impression de gueule-de-bois comme un lendemain de défaite sur un champ de restes de victuailles. Et puis ces lieux qui ne me sont pas plus familiers que cela. Ou puis-je bien être au demeurant? (silence) On croirait une scène de théâtre. Peut-être un stade désert de nuit. Un sous-sol de commissariat. Un antre délivré d'un autre destin telle une parturiente d'un bébé trop lourd. Un marché de dupes sous la lune, un archer de fortune à la hune. Une erreur de distribution?

(silence).

Et là cet autre, à terre en son gisant, mon semblable ou peu s'en faudrait ? Est-ce là son corps, le mien sans doute, qui brille d'une étrange lueur qu'on croirait dictée à la pleine mesure d'une bande dessinée ?

(silence il semble réellement dubitatif).

J'en conçois une manière d'once de regret. Un goût volontaire, confiant, dans un inachevé prévisible. J'avais pourtant fait à moi-même cette terrible promesse dont l'écho à la hantise souveraine en son domaine que rien ne décerne ... Ô que rien ne cerne, que rien ne décerne, que rien ne cerne..."

(Il/Elle reprend son instrument et sa musique: avec un accent nostalgique plus prononcé. Puis elle se fait plus chaude, plus vibrante).

"Ainsi donc il me revient de conter cette véritable histoire que Le-Conteur n'a pas été à même de mener à son terme. Voilà bien une idée d'auteur! (à part).

On aurait bien agi en lui rendant sa carte de journaliste.

(il s'agite).

Bon je me jette à l'eau, à l'eau à la bouche, à l'eau à la douche, à l'eau à la couche, à l'aube à la louche, à l'eau à la cruche, à l'eau à la ruche, aloha la plage ensoleillée, allo la page ensommeillée...

(ça rit en coulisse mais elle feint ne pas l'entendre. Il/elle sort en accompagnant sa sortie d'une musique assez gaie. Noir.).

ACTE III

SCENE I

(ce texte est dit par une voix off qui est celle du précédent personnage. Celui-ci est revenu en scène et y fait la carpe. On entend des bruits de ville enserrés dans une musique aux accents contemporains.)

"ACOKETH métisse de srilankaise et de berbéro-breton est belle comme le jour et la nuit lorsque le jour renoue avec la nuit en plein jour et rêve que c'est jour et nuit. Une nuit d'un noir lumineux comme en plein jour au clair de la lune d'une aurore boréale saturée d'équateur. Des délices au pays des mers veillent sur des pigments tropicaux qui dressent leurs cornes contre les caprices de la trahison."

ACOKETH : (Musique sautillante. Les couplets suivants, fredonnés par A. semblent pris en cours de route comme venus d'une histoire qui échappe, elle a un chouchou dans les cheveux, un lacet de cuir au bras gauche , marche en direction du public jusqu'à un mètre du bord du proscénium en jouant ostensiblement le fait de n'être pas au jeu du texte précisément).

_...de jeter par-delà bastingage
avec l'élan propre à son âge
les nuits mauves passées en nage
les pensées de son décervelage

et pour se faire à tel langage
avec l'éclat propre à son ambage
rires fauves portées à la rage
connaiss'enfin délices à la page

au gré du héros et son carnage
elle signera un acte très sage
et pour tout trésor au lutinage
ne connaîtra que le marivaudage

(elle s'arrête car elle est visiblement furieuse contre l'Auteur, elle annonce le conflit ultérieur, le texte est hurlé).

Mais qu'est-ce-que c'est que ce texte?
C'est du bas roco-coquette!
De l'entourloupe à la petite semaine!
C'est du ras-la-soubrette!
Du délire à la grosse caisse!
Du sublime à la louche!
De la rimaillerie de tinettes!
De la bibine de mouillette!
De l'alibi de pomponnette!
Du scénar'qu'en a marre des coups de Trafalgar!
Du vers de miroton à la coquillette !
De l'histoire comme on tranche le lard!...

(elle est essoufflée et dubitative finalement résolue, résignée).

Bon...Allez je me reprends et la narration avec, en son endroit même où...où l'Auteur l'avait laissée.

(Elle se résigne faussement).

Après tout je ne suis qu'un personnage aux ordres. Au mieux une mince couche de vernis accordée à l'oeuvre, une ambitieuse graine de presque rien dans la peau d'un vaurien.

(à part).

"Et puis cette outrecuidance qui m'anime. Comment dire? Comme un goût sûr pour l'insoumission, l'insurrection, pire ma botte secrète et la marque du félon, ma grotte secréte et le dard du frelon, c'est l'indécision.

(silence, puis elle chantonne).

Ah! Quel misérable conteur d'opérette!

Lui-a-t-on confié le dessein de mon destin?
Et tant pour la frime dans son cerveau malin
Sans doute a-t-il forgé le nom d'ACOKETH..."

(Du fond de la scène un inconnu lui jette le mannequin du Conteur, elle s'approche, se penche, d'abord surprise, puis non sans hésiter elle lui caresse le visage et le front. Lorsqu'elle se retourne vers le public elle sourit son visage est pâle: on dirait que la mort a changé de camp. Noir).

SCENE II

L'Auteur-qui-prend-de-la-hauteur : (le texte qui suit en distiques irréguliers est dit par un homme à lunettes assis derrière un bureau. En fait c'est la voix off d' Acoketh qu'on entend. La lampe qui l'éclaire s'éteint de temps à autre. Pendant la lecture il fait des pauses, s'agace au refrain, marmonne un médiocre mécontentement face à la facilité de certains vers. On est censé comprendre que, sur une musique de fond mélancolique, un producteur, un élu peut-être, s'interroge et s'impatiente, il est inquiet pour l'avenir).

Refrain
_ La-Ville/dehors un jeu de brèmes
La-Ville/dedans et ses je t'aime

Il était une fois La-Ville/Cité
Et ses gens aux labours déracinés

Il était une fois La Ville/Caresse
La-Ville et son droit à la paresse

Il était une fois La-Ville/Gîte
La Ville troglodyte à la va-vite

Refrain
La-Ville/dehors un jeu de brèmes
La-Ville/dedans et ses je t'aime

Il était une loi des briques sages
Obéissant à l'espace vert de rage

La-Ville se pointe à la page
Elle épelle la nuée et l'orage

Autrefois des hampes en bas de la page
Rimaient avec des alexandrins de sage

Refrain
La-Ville/dehors un jeu de brèmes
La-Ville dedans et ses je t'aime

Il était une fois La-Ville/Cité
La-Ville et le choeur de ses immigrés

La-Ville et le printemps de ses cités
La-Ville et le déclin de sa cécité

Hors-La-Ville et ses pareilles nécessités
Dans-la-Ville et ses ombres fières exilées

Refrain
La-Ville/dehors un jeu de brèmes
La-Ville/dedans et ses je t'aime

La-Ville dort/dedans alitée
La-Ville au port de sa sexualité

La-Ville sort/dehors ses nuitées
La-Ville rit ferme de son urbanité

Il était une fois La-Ville/Ciel
La-Ville ex-crément/ciel

Refrain
La-Ville/dehors un jeu de brèmes
La-Ville/dedans et ses je t'aime

La-Ville défoule ses tambours
La-Ville se déprend de ses tours

La-Ville qui sèche ses cours
La-Ville lèche ses calembours

La-Ville prêche ses atours
La-Ville bêche ses à-jours

La-Ville luit ses champignons sur rue
La-Ville replie son Brecht relu

La-Ville se gorge de ses moisissures
La-Ville prend langue avec sa salissure

Refrain
La-Ville/dehors un jeu de brèmes
La-Ville/dedans et ses je t'aime

La-Ville et ses petits gars sûrs de rien
La-Ville et ses petits gars durs des reins

Refrain
La-Ville/dehors un jeu de brèmes
La-Ville/dedans et ses je t'aime

Il était une fois La-Foire/Bandit
La-Foire qui renâcle du non-dit

Sur la peau des skins
Elle a gravé "sûr d'aryen"

Refrain
La-Ville/dehors un jeu de brèmes
La-Ville/dedans et ses je t'aime

Il était une fois La-Ville/Amibe
Et les traits de son histoire en abîme

La-Ville/Chatte abyssinale
Et ses passions nodales

La-Ville aux habits sales
Et ses défausses verbales

La-Ville aux sceptiques
Ses enfants au portique

Refrain
La-Ville/dehors un jeu de brèmes
La-Ville/dedans et ses je t'aime

La-Ville/bordel monte ses marches
Ecrit ses foucades sur papier "Arches"

Refrain
La-Ville/dehors un jeu de brèmes
La-Ville/dedans et ses je t'aime

Sur la peau des filles la marque du foulard
Et plus d'un coup de dés pour un frein au hasard

La-Ville d'où giclent les nibards
La-Ville qui cible ses coltards

La-Ville gronde ses muqueuses
La-Ville abonde ses voies aqueuses

Refrain
La-Ville/dehors un jeu de brèmes
La-Ville/dedans et ses je t'aime

La-Ville/dehors montre ses heures
La-Ville/dedans montre ses Beurs

La-Ville/dehors saisie de mort
La-Ville/dedans saisit ses amors

La-Ville en selle d'amibe
La-Ville fécale lambine

La-Ville et la main de ses gnomes
La-Ville ouverte et son fécalome

Refrain
La-Ville/dehors un jeu de brèmes
La-Ville/dedans et ses je t'aime

Viens subvertir spectateur-pion
Une nouvelle grâce de couillon

L'Auteur fait des distiques
Et à toi impose ses tics

L'Auteur craint des suppliques
La-Ville/dehors paroxystique

L'Auteur risque ses répliques
La-Ville/dedans orgasmatique

Avec l'appui de l'Auteur-Maison
Découvre l'oncogène de la trahison !

L'homme arrête sa lecture, pose ses lunettes sur le bureau que des hommes enlèvent sous ses yeux ébahis. Il n'oppose aucune résistance. Il essaye de comprendre. Alors la voix de femme reprend l'avantage et dit:

L'oncogène de la trahison
Le gagne-pain de l'Auteur-maison
Un coup de surin dans l'arène
De la trahison j'suis la reine!

(Elle rit fort pendant que l'homme fuit. On perçoit un fracas puis un cri rauque sorti d'une voix d'homme, à nouveau des bruits de ville qui déclinent lentement jusqu'au silence précédé du son d'un coeur qui bat puis décline doucement).

ACTE IV

ACOKETH : (le texte est accompagné d'une musique, morceau à l'harmonica?, l'indication générale est d'une recherche de la mise en oeuvre de la dualité interne homme/femme et d'une certaine façon de la problématique dehors/dedans. La-Ville étant tantôt principe mâle tantôt principe femelle. "La Cité" avec ses contradictions et ses espoirs. Texte accompagné d'une musique comme un personnage fort. Des percussions sont souhaitées).

_ Des temps indécis

Refrain
L'indécision d'un rameau d'épines est tirée des limbes
Les goitres du temps lissent des protubérances grises
Mes seins au poker s'accordent au risque d'une blinde
Et déroutent un harem de juments fauve à la robe grise

Cuistres aux fines peaux de loutres en gelée
Vous grisez le blanc des boeufs de concours
Dans la pénombre de vos volutes de fumée
Vous initiez à plein aux règles du parcours!

Ombre grimée dans les phares de la police
Un P.V t'instruit sur site Te maltraite à la va-vite
Ta vie dévide un noeud des marins de la coulisse
Affaire minable: un procureur te classe sans suite

Oeil sous la bride Peau mâtinée de Sahel à La-Ville
Regard bleu borné à l'horizon des friches
Chemin glabre de la ronde sous la plume servile
Tu brûles une paillette au blason des biches

Viens ta dague engoncée dans mes appuis d'or
Banquète d'huître mon lit d'algues brune-rousse
Viens ma langue preste couronnes ses cerneaux
Tes reins grisent l'élan de La-Semaine qui sort

Au petit jeu à l'écart du matin malin
Blafarde la nuit s'étonne d'une seconde vie
Au rodéo des parkings: la croisée des chemins
Le débit de ton vit se passe de mon avis

Flétris la sublime cour des miasmes citadins
Un crève-coeur au delta de mes humeurs
Glisse le brouillon de tes décharges entre mes seins
Cours contre la vague des exilés de la rumeur

Conte cette histoire à la moire des leurres
Et contre les documents de lumière parjure
Inscris dans le sang des grandes heures
L'enracinement qui crache son feu et jure

Il me regarde dans son miroir en buée
Et s'apprête à la tournée des crans d'arrêt
Sous un autre ciel quand vient la nuée
Il court à l'exercice des chiens d'arrêt

Ah! Quoi dire quand la lune tord sa marée
Qu'un esprit coquin emplit un conte de marlou
Que le vent reprend ses tours sur la jetée !
Les amers jouent à la guerre avec les loups

Refrain
L'indécision d'un rameau d'épines est tiré des limbes
Les goitres du temps lissent des protubérances grises
Mes seins au poker s'accordent au risque d'une blinde
Et déroutent un harem de juments fauves à la robe grise

(La musique s'étend au-delà du texte et ACOKETH ne se sent pas plus sûre d'elle même, de la fécondité de son personnage. C'est alors qu'elle entreprend d'évoquer et de caractériser de manière parodique le personnage de BIBAL)

LES FUSAINS DE LA COLERE

(pour B.G)

Acajou mon cobra
Fusain gris pour tes bas
Ah! Ta joue me zébra
Fusain bleu pour tes draps

Refrain
Un bijou mon aura
Fusain rouge pour tes bras
Un gros coup ton cobra
Fusain vert pour tes pas

Un cachou mon gros bras
Fais-un prix pour tes bas
Ah! Ton pouls me dopa
Fusain jaune me gonfla

Refrain
Un bijou mon aura
Fusain rouge pour tes bras
Un gros coup ton cobra
Fusain vert pour tes pas

Un hibou mon p'tit chat
Fusain noir ton éclat
Tout mon soûl mon p'tit rat
Fais-un bris de mon glas

Refrain
Un bijou mon aura
Fusain rouge pour tes bras
Un gros coup ton cobra
Fusain vert pour tes pas

Un redoux tes appâts
Fais-un ban à ton Râ
D'un seul coup tu m'abats
Fusain blanc com'trépas

Refrain
Un bijou mon aura
Fusain rouge pour tes bras
Un gros coup ton cobra
Fusain vert pour tes pas...

(Elle s'éclipse avec un air décontenancé à la limite du malaise, avant d'entrer dans le noir elle hésite puis telle un faon elle poursuit sa route). (Noir).

ACTE V

SCENE I


BIBAL : (le personnage de BIBAL est celui d'un faux dur. Mais assez douteux dans la mesure ou il entend se prouver toutes sortes de choses. Il connait la peur classique (lâcheté?) des hommes et l'exprime puisqu'il est entre les mains de l'Auteur qui n'a que peu d'affection à son égard. Ces notations sont toutefois tempérées par le fait que l'Auteur lui met en bouche un texte non dépourvu d'authenticité).

_ La-frousse

Refrain
Viens l'écho large de ma frousse
Laisse-toi débonder mon sperme
Roux noir et vert et te détrousse
Le bouc d'la cité vient à son term'

Au loin un cerf brame la figure insigne de ses bois:
Ton littoral mène à la plage où se mirent les ajoncs
Laisse-moi truculer une lèvre accorte à tes joies
Moi bouc d'la cité je course la belle en son donjon

J'accroche à ton grain la peau de la Cité
Quand ma peur prélève un bat de ton coeur
Les festins immobiles sont phagocytés
J'accroche à tes reins les brelans de ma peur

Refrain
Viens l'écho large de ma frousse
Laisse-toi débonder mon sperme
Roux noir et vert et te détrousse
Le bouc d'la cité vient à son term'

J'ai défroissé des errements dans l'attente
De l'auréole de ton sein en échange
De mon piquet bleu et ouvert sous la tente
Viens à mon endroit et fais le bond de l'ange

J'ai déchiré le norôit
Et au coït sous l'harmattan
J'ai pansé le sang des lois
Je suis coi sous l'harmattan...

Refrain
Viens l'écho de ma frousse
Laisse-moi débonder mon sperme
Roux noir et vert et te détrousse
Le bouc d'la cité vient à son term'

Ils ont fait un nom de métier avec con et cierge
Une cage d'escalier en crise que rien ne cesse
Ils ont mis une ceinture au con de la vierge
Une page de cahier en frise que rien ne presse

Ils font d'un ocre rouge un grain de beauté
D'un décret l'assurance que cela bouge
D'un pas certain la prestance de la cité
Ils font un brin de gaieté d'un simple bouge

Refrain
Viens l'écho de ma frousse
Laisse-moi débonder mon sperme
Roux noir et vert et te détrousse
Le bouc d'la cité vient à son term'

(Au moment de quitter la scène il se retourne vers le jardin et dans la pénombre il aperçoit ACOKETH hésite puis va vers elle. Ils se donnent un baiser de tango avec un maximum d'affectation. Noir).

SCENE II

La-Semaine-et-sa-déprime : (cette chanson est dans l'esprit des chansons populaires françaises. Les voix sont gouailleuses. Elle est interprétée par les comédiens qui jouent ACOKETH et BIBAL après qu'ils aient revêtu un pantalon de toile et un petit foulard autour du cou).

_ LA-GESTE-DE-LA-SEMAINE-ET-SA-DEPRIME

Refrain
On s'en est donné de la peine
A creuser les sillons d'la s'maine
On s'en est donné de la peine
A tirer les veaux del'arène

J'suis la semaine des quat'lundi
Je sème dans les pas du non-dit
J'suis la semaine des quat'jeudi
J'récolte la haine des taudis

Refrain
On s'en est donné de la peine
A creuser les sillons d'la s'maine
On s'en est donné de la peine
A tirer les veaux de l'arène

J'suis le lundi rien que morose
On m'a sorti du lit tout chose
J'ai déjà aperçu ma dose
J'suis de l'amour à l'eau de rose

Refrain
On s'en est donné de la peine
A creuser les sillons d'la s'maine
On s'en est donné de la peine
A tirer les veaux de l'arène

Je suis le mardi qui cirrhose
Tire-moi du lit si tu oses
J'ai surtout repris une dose
Je suis l'anoure au bouton de rose

Refrain
On s'en est donné de la peine
A creuser les sillons d'la s'maine
On s'en est donné de la peine
A tirer les veaux de l'arène

Je suis le mercredi qui cyanose
Au pied du lit je fais une pause
J'respir'un parfum d'overdose
J'suis un poux à la Marie-Rose

Refrain
On s'en est donné de la peine
A creuser les sillons d'la s'maine
On s'en est donné de la peine
A tirer les veaux de l'arène

Je suis le jeudi qui dépose
Au p'tit dèj'j'm'accorde la pose
Dans ma gorge une demi pause
Dans mon bol les flocons d'ma glose

Refrain
On s'en est donné de la peine
A creuser les sillons d'la s'maine
On s'en est donné de la peine
A tirer les veaux de l'arène

J'suis le vendredi qui s'appose
Midi déclenche mon arthrose
J'ai un grain au plafond qui arrose
Un sein au caquelon qu'est tout chos'

Refrain
On s'en est donné de la peine
A creuser les sillons d'la s'maine
On s'en est donné de la peine
A tirer les veaux de l'arène

Vivement samedi d'la prose
Marché des voyous s'ankylose
Les fraises ont des ecchymoses
Un attrait du jour que rien n'impose

Refrain
On s'en est donné de la peine
A creuser les sillons d'la s'maine
On s'en est donné de la peine
A tirer les veaux de l'arène

Dimanche fraîcheur d'une prose
Tiercé filou casaque rose
C'est fini de la sinistrose
La s'maine enfin se repose

Refrain
On s'en est donné de la peine
A creuser les sillons d'la s'maine
On s'en est donné de la peine
A tirer les veaux de l'arène

(Ils rient de bon coeur, se regardent un instant dans les yeux, chuchotent des mots inaudibles. L'impression dominante est celle d'une intense complicité. Noir).

ACTE VI

SCENE I

(changement de décor: le rempart a disparu au bénéfice d'un univers plus abstrait, fait de murs tagués, de petites lumières diffuses, manières de halos suggérant une atmosphère de sérénité, d'appropriation. Chacun des personnages déjà impliqué va y venir chanter une chanson puis il prendra place à côté des autres, les regards convergent).

LA-VILLE/ LA-BANLIEUE

Refrain
Mon nom c'est La-Ville
Sa bouche futile
Et son droit dans les yeux
M'appellent La-Banlieue

Les chats faméliques
Au recoin de la rue
Vont au pas de la clique
Dans la course au rut

Des chattes lubriques
Plantent leurs griffes
Au nez roug'des briques
Un doigt qui se rebiffe

Refrain
Mon nom c'est La-Ville
Sa bouche futile
Et son droit dans les yeux
M'appellent La-Banlieue

Réserve ton majeur
Au cinq sous les paniers
Rêve un joint rageur
Le rire des sans-papiers

Joue faux en glas mineur
Aux prés sous les pavés
Secrèt' d'un beau parleur
La colèr' des mal-nés

Refrain
Mon nom c'est La-Ville
Sa bouche futile
Et son droit dans les yeux
M'appellent La-Banlieue

Rythm'au son du baston
L' écume d'mes contours
Dispers'au gré des fanons
La brume d'mes en-cours

Au pied-de-grue d'la-Cité
La-Vill'en cage bleue
Aux marches d'l'escalier
S'élabor' La-Banlieue

Refrain
Mon nom c'est La-Ville
Sa bouche futile
Et son droit dans les yeux
M'appellent La-Banlieue

Au coin de rue d'la-Cité
La-Ville de rage bleue
Les marg'en espalier
S'honorent d'la-Banlieue

Les barons d'la barrette
Scrut'l'ronron d'la gisquette
Les lurons de la minette
Mir'l'giron d'la disquette

Refrain
Mon nom c'est La-Ville
Sa bouche futile
Et son droit dans les yeux
M'appellent La-Banlieue

Du matin café crèm'
Au soir des sangsues
Déménagent en carême
Les proies des arrêts d'bus

Les jargons d'la lurette
Tracas'la langu'd'bois
Les larrons d'la dunett'
Terras'la langu'aux abois

Refrain
Mon nom c'est La-Ville
Sa bouche futile
Et son droit dans les yeux
M'appellent La-Banlieue

Les rois d'la triplette
Ont l'ego facile
A cran l'centre d'tri pète
A l'instar d'mes faux-cils

Sois mon micro-trottoir Refrain
Mon nom c'est La-Ville
Sa bouche futile
Et son droit dans les yeux
M'appellent La-Banlieue

(Fondu enchaîné).

SCENE II


La-Cité-des-Balkans : (le personnage de La-Cité est interprété par une femme de préférence. Avec musique d'accompagnement du genre amusé).

Refrain
Je suis la Cité-des-Balkans
Le monde a toutes ses dents
Je suis les quatre coins du droit
Je suis le burin du non-droit
Je t'aime je te tue à raison
Je suis la fleur de ta passion

Tout le monde y a tous les droits
Même une chatte sur un toit
Tout le monde y a tous les droits
Surtout un rat qui s'apitoie

La galère le droit de tribord
La colère le droit de bâbord
Un mystère la foi du pandor'
Un magistèr'la loi du matador

Refrain
Je suis la Cité-des-Balkans
Le monde a toutes ses dents
Je suis les quatre coins du droit
Je suis le burin du non droit
Je t'aime je te tue à raison
Je suis la fleur de ta passion

Je suis le droit je suis le gauche
Je suis l'endroit de la débauche
Tu ris au nez de mes ébauches
Je rime au gré de mes embauches

J'envie le droit de vie et de mort
J'entraîne mes dents sous le mors
Je jette à mon ennemi un sort
En cage je suis prince consort

Refrain
Je suis la Cité-des-Balkans
Le monde a toutes ses dents
Je suis les quatre coins du droit
Je suis le burin du non droit
Je t'aime je te tue à raison
Je suis la fleur de ta passion

Je suis La-Ville brandie trop vite
Chargée aux barbies lubriques
Et fardée aux barbituriques
Je suis La-Ville grandie trop vite

Je suis l'asile gît sous le miel
L'arc utile qui gratte le ciel
Je suis l'agile prit dans le fiel
Le petit bras prix d'un demi-sel

Refrain
Je suis la Cité-des-Balkans
Le monde a toutes ses dents
Je suis les quatre coins du droit
Je suis le burin du non-droit
Je t'aime je te tue à raison
Je suis la fleur de ta passion

Je suis la baie ouverte aux vents
L'Oiseau-Lyre l'aile sous le vent
Le pas des désirs sous le auvent
Je suis la plaie ouverte devant

Je suis de La-Ville muqueuse
Qui prit la horde sous la gueuse
Je suis de là ville aqueuse
Quand déchantent mes trois glorieuses

Refrain
Je suis la Cité-des-balkans
Le monde a toutes ses dents
Je suis aux quatre coins du droit
Je suis le burin du non-droit
Je t'aime et te tue à raison
Je suis la fleur de ta passion

(Fondu enchaîné).

SCENE III

Le-Boucher-et-le-Garçon-Boucher : ( en fait il s'agit d'une sorte de soliloque interprété par la même personne L'expression de la mauvaise conscience populaire. Il a un grand tablier blanc tacheté de sang et un très grand couteau parodique. Il a une trentaine d'années, pour figurer le Garçon il se tourne de côté comme pour le surveiller dans son travail).

Le-Boucher... : _ "Ah! Aujourd'hui c'est la journée du mouton. Ces derniers temps ils n'ont livré que des têtes noires. Non pas qu'ils soient moins intéressants que les autres. A vrai dire ils sont en tous points semblables. Certains l'ont trouvé plus goûteux. Une tête noire tout de même. Une emprise génétique sur cet animal qui serait sans conséquence. Allez garçon mets-toi au travail: ça n'est pas ramadan!...
...et-le-Garçon-Boucher : _ " ...je l'aurai ma boucherie avant la trentaine. Et je servirai les clients tous les clients sans faire de commentaires. Surtout pas dans leur dos. A l'évidence d'aucuns mériteraient plus qu'une assertion grincheuse. (il marmonne entre ses dents). Il m'espionne. c'est plus fort que lui. Les réprimandes à propos des abats d'hier en fin d'après-midi ce fut définitivement pas drôle. Son chiffre d'affaires! Mon chiffre d'affaires...!
Le-Boucher : _ " ... et les factures n'attendent pas. Tiens les familles de la troisième génération elles mangent du mouton le matin le midi et le soir! Au concours du meilleur ouvrier de France j'avais planché sur le filet mignon de veau. Et les autres qui prétendent que l'immigration est une chance.

(il se met à chanter en sourdine, comme pour se rassurer, pour s'affirmer, en un mot il fantasme).

je suis le boucher de la reine de Saba
le jean et l'foulard on dirait une diva
elle mange de mon mouton à tous les repas
je suis le boucher dans l'arène de ses bas

je suis le garçon-boucher des jours de sabbat
bottes de velours et chagrin sous la kippa
je mange de son mouton à tous les repas
garçon-boucher dans l'étreinte de son winbra

l'aura sa boucherie que rien n'arrêtera
il ruine le métier de son grand coutelas
quand mon laboratoire usé se rendra
par diva sabbat et winbra elle m'aimera

(Noir).

SCENE IV


Mimi-Ras-la-Touffe-a-eu-son-bac-pro : (bien qu'un peu caricatural ce personnage est positif et joué de manière attachante avec beaucoup d'humanité. Il a ses propres contradictions, une volonté d'en sortir comme en atteste le refrain. Mimi sous une douche au départ va s'approche doucement de l'avant scène. Elle porte robe longue de cuir boutonnée devant et des bottes de daim le tout sans vulgarité. Sa chanson évoque le passé et est optimiste).

Refrain
Je suis Mimi-Ras-la-Touffe
Je suis né dans le métro
Je suis Mimi-Ras-la-Touffe
J'ai eu l'exam de mon bac pro
On m'l'a fait pas à l'esbroufe
Mon avenir j'l'ai dans la peau

Je fuis de ma classe d'âge
C'en est fini du partage
De la folie du mariage
Et des excès de langage
Je luis dans ma tranche d'âge
C'en est fait du camouflage

Une famille qui n'compte pas
Je la tiens entre mes cuisses
Là-bas les bras ne manquent pas
Tout s'y joue dans la coulisse
Je la trouve mûr' au trépas:
La dure loi d'la pelisse

Refrain
Je suis Mimi-Ras-la-Touffe
Je suis née dans le métro
Je suis Mimi-Ras-la-Touffe
J'ai eu l'exam de mon bac-pro
On m'l'a fait pas à l'esbroufe
Mon avenir j'l'ai dans la peau

Je ne le trouv'pas assez soft
Et se prend pour un manitou
Après moi rêvera d'un golf
Il s'offre des coups de grisou
Au pinacle de son grand loft
Jouit au parcours de mes trois trous

Je fus enfant dès l'école
Et jouait avec mes tresses
Des yeux où rien ne caracole
Et disait que rien ne presse
Ado à l'accent créole
Un horizon sans promesse

Refrain
Je suis Mimi-Ras-la-Touffe
Je suis née dans le métro
Je suis Mimi-Ras-la-Touffe
J'ai eu l'exam de mon bac-pro
On m'l'a fait pas à l'esbroufe
Mon avenir j'l'ai dans la peau

J'en ai défait des concessions
Et dans les livres de mes cours
J'ai pris la m'sure d'un ludion
Le prisme lent de mes discours
Où se rengorge l'histrion
Ma vie la manne d'une cour

Au collège en détresse
Au troquet tout près du Môle
La rumeur en sa rudesse
Qui ruine et puis décolle
Au lycée en bonzesse
Au gré de mon pot de colle
J'ai fait le point de tendresse

Refrain
Je suis Mimi-Ras-la-Touffe
Je suis née dans le métro
Je suis Mimi-ras-la-Touffe
J'ai eu l'exam de mon bac-pro
on m'l'a fait pas à l'esbroufe
Mon avenir j'l'ai dans la peau

J'ai cessé d'vivre là-dedans
Quand à l'heure venue au mitard
Un univers montre ses dents
Et vient te loger en peinard
J'ai crié à mourir devant
La panégyrie du pétard
La banlieue et son firmament

J'aurais aimé naître ailleurs
Derrièr'un écran de télé
Alors qu'un soleil donn'l'heur
Que rien n'a encore été
Je vais au pas de ma lueur
Là où s'aube quelque clarté

Refrain
Je suis Mimi-Ras-la-Touffe
Je suis née dans le métro
Je suis Mimi--Ras-la-Touffe
J'ai eu l'exam de mon bac-pro
On m'l'a fait pas à l'esbroufe
Mon avenir j'l'ai dans la peau

(elle reste un instant au devant de la scène muette face au public, fait mine de se retourner puis se ravise. Elle est encore légèrement de côté, puis comme dans un souffle elle redit:)

On m'l'a fait pas à l'esbroufe
Mon avenir j'l'ai dans la peau

(Elle s'éloigne doucement et d'un pas net. Noir).

ACTE VII

SCENE I

: (ils sont déjà intervenus dans les précédents rôles et portent des signes distinctifs. Ils font des jeux de mots subversifs, drôles. Ils sont les doubles des personnages précédents, mais décalés, presque moraux, en tout cas munis d'une certaine esthétique de la rébellion).

Ensemble : _ "Nous sommes dans le choeur des insurgés et forts d'un goût prononcé pour l'insurrection nous les uns et tous les autres sûrs du projet et à l'heure d'l'insu-érection... (une voix de femme) "trahison!"

Notre rejet a mis le feu à l'énoncé
du jeu de la société de consommation
à payer les fractures d'électricité
et ses quittances de la vie dans les prisons

Nous sommes les rats qui rapent dans la-Cité
dans les caves ça s'aggrave... (une voix d'homme)
" tous des graves !"
des caves à rats qui font des trous dans l'rapé
la galette c'est pas pour nous c'est l'chômage

C'est foutu c'est toufffu c'est tout feu tout flamme
tout fout le feu t'as pas le sou à la-Cité
le jeu d'l'excité le sauvageon sans âme
promis en la terre dans sa lubricité

Je suis un'insurgée comme au collège
un'écartée du privilège de côté
un paumé dans l'exode du florilège
comm'au lycée jetés par-delà le surgé

La panthère est devenue surjeteuse
mais pas assez juteuse le boss l'a jetée
elle en a pas perdu le sujet la gueuse
s'est pas mise à délirer au caducée

A trois coups de pétard la gloire sous le par
font la guerre du golfe faut que ça morphle
derrière les remparts la peur qui sépare
le coeur qui s'répare la-Cité qui ouolof'

Las Les-Insurgés ne sont pas désemparés
Malaise rim'avec à l'aise la braise
Du renaud touche la prime à l'éclaté
Les-Insurgés sont à pic et sa falaise

Les-Insurgés dressés à la fausse note
Rotent les gros titres promus à la une
Se refont le film d'un vieux carnet de notes
Et entr'eux rient du message de la rune

Les-Insurgés à l'heure de la pagaille
Ont dans leurs voeux un mystère qui complote
Des chansons de pluie à la voix qui déraille
l'écho sibyllin d'la roue sans la roulotte

L'Insurgé(e) a des heures peintes au marli
Au gré des ruptures et la foi des festins
L'Insurgé(e) est le centre de mon paradis
Le bras conjuré l'avenir de mon destin."

(Ils restent muets pendant un moment, s'interrogent du regard comme s'ils devaient trouver une solution à u problème qui leur est posé. Alors ils retrouvent le cadavre de l'Auteur-qui-prend-de-la-hauteur et s'en débarassent entre les mains de l'une d'entre elles qui suggère quoi savoir en faire et l'emporte loin de l'avant-scène avec l'air narquois. Noir).

SCENE II

Le-Choeur-Final-et-La-Flûte-de-Pan : (ils chantent ensemble le refrain et les couplets sur un mode parodique. A d'autres moments ils échangent des propos selon le rythme d'une voix d'homme suivie d'une voix de femme. Une Flûte de Pan souligne les différents moments avec ironie).

Refrain
Pensons qu'la came isole
Vive le son Vive la l'çon
Pensons qu'la came isole
Vive le son de la l'çon

Tristes temps et isolent
Le Choeur et la Flûte
Chimique la camisole
Plus dure sera la chute

Le refrain qui réfrène
L'art épique qui rapplique
L'épopée schizophrène
La réplique qui supplique

On va tuer le Père
On va tuer le producteur
On n'a pas fait d'impair ?
On a écouté notre Choeur !

On n'est pas des spectateurs
Nous on est des gens hors-pair
Car nous on est des acteurs
Des acteurs sans repères...

L'anoure est un crapaud sans queue
Aucun en son texte n'est prophète
Comment jouer au hasard des jeux
Un'histoire sans queue ni tête

Refrain
Pensons qu'la came isole
Vive le son vive la l'çon
Pensons qu'la came isole
Vive le son de la l'çon

L'anoure sera toujours l'anoure
L'anourexie l'amour excite
Toujours l'anoure ô mon amour
L'anourexie et l'amour exit !

On a pensé à raison
A notr'avenir radieux
A la fleur de la passion
Au beau grand bleu du
/ciel bleu !

On a fêté le plongeon
De la balise de mer
On a viré le basson
D'la vocalise hier

On triomphe sans gloire
Lors d'une fin discrète
Sans la voix sous le rempart
Un secret qui secrète

On a raté le Menu
On a joué à l'envi
On en revient au début
Et c'était ça la vraie vie !

(Ils s'arrêtent , se regardent en s'interrogeant et tentent de trouver une sortie honorable. A la question posée de l'existence après la mort de l'Auteur ils apportent une réponse en manière de questionnement réaliste amusé).

Une voix d'homme qui s'esclaffe :
- Smartbra tu as vu ce qu'elle a au balcon ?

Une voix de femme :
- Bien sûr Smartbra c'est la Citée-des-Balkans.

Ensemble avec étonnement :
- La-Cité-des-Balkans !

Alternativement :
Acerbe à son croate
ses champignons à la grecque
l'endimanche midi
après l'raki
l'entrée de concombres
au paprika de tout et de rien
suivie jusque sur le paillasson
de son tian de courbettes
automate par la charrue
l'arrêt de bus
le jarret de veau...

Une voix d'homme:
- Jarret de veau-jarret de dévôt !

(il se fait tendre avec sa partenaire)
Viens au creux de mon poplité
alité qu'a dégoté l'aligoté...
au débotté en touche
pas à mon beurre de karité
à mon leurre de parité missa est !

Une voix de femme :
- Parité ! Egalité !
T'es bien timoré
sur le chapitre
des droits de la femme !

C'est du délire antifémniniste
fait mine d'être un auteur
à la hauteur
des grandes heures
des grandes orgu'asmes
atypiques sous les tropiques
tu te ramasses un tropisme de:
y'en a marre mon canard !

Une voix d'homme :
- Ca canarde dur !
Viens voir mes hardes
et vois comme je suis hard !
(Il rit parce qu'il est content de lui).

Une voix de femme :
- Hardi hi hi hi !
Petit pied de nez
de négation de la femme
l'infâme !

Une voix d'homme :
- De la femme !
De la femme affable
de la fable de la femme
et du credo de ses gemmes
du brio de ses je t'aime
du chaud de ton haleine
du halo de ta baleine
de l'allo de ta verveine
de l'aloyau de ta laine
de la loyauté de ta peine...

Une voix de femme :
- Ah ! Tant d'ironie
pourquoi toute cette dérision
L'esclavage de l'excision
l'infibulation en situation
l'affabulation in situ... Action !

Une voix d'homme:
- L'amphibie de la phobie
la folie des grandes heures
l'affolé ole ole
le petit taureau par l'écorne
une pensée bien faite
avec une bouteille de vin
bien cambrée dans la chambrette
de la soubrette
du bretteur des mots
du prêteur sur gages
du menteur qui surnage...

Une voix de femme :
(elle se détache du groupe et interpelle le public).
Des mots et des maux
toujours des maux
et des émaux
et des émotions
des motions assignées
au son du paraître
au basson du poète
au plastron de l'homme-tronc
au buisson de cloche
au fourré de bidoche
au beurré de reproches
au débourré comme un p'tit lulu
au déboulé du taboulé
t'as pas tourneboulé
ton boulet mon poulet
t'es blackboulé au tirage
et au grattage !
Regarde dans mes eaux
le bas niveau de ton étiage !

(La voix de l'homme est d'abord blanche face à la réplique de la femme. Puis il tente de reprendre l'avantage).

Pourquoi tant de haine en si peu de mots ?
Je tremble à l'idée de connaître un pareil destin !
Ensemble n'avons nous pas ourdi le complot ?
Et ce faisant n'aurais-je point mérité place au festin ?

Une voix de femme :
Ah ! Te voilà malhabile mon requin
Me croyais-tu si facile au matin
Quand à l'ordre d'une pensée débile
Tu n'avais pour chemin qu'un arc servile ?

Une voix d'homme :
Nous crérons une grande place à la théorie
Et pour la paresse un vrai droit d'aînesse

Une voix de femme:
Nous ferons une grande place à la théorie
Et donneront au droit à la caresse un grand prix

(Elle réfléchit un court instant).

Ainsi c'est tant mieux du prix de tout ton aveu
Et sa suite que j'appelle de tous mes voeux !

Ensemble : (Ils et elles semblent heureux de se retrouver).
Une grande place à la théorie
Et presqu'autant au thé au lit !

Ôter mon sari et au Sahara
Ah ! Sahara ! Sahara ! Sahara !

Les sales coups à la gros bras
Les sales coups on les rendra !

(Ensemble ils se donnent des allures de comploteurs. La Flûte de Pan est abandonnée dans un coin de la scène, une douche l'éclaire faiblement la mettant en attente, en réserve. En semble se saisissent du mannequin du Conteur et d'un bel élan joyeux le jettent au public du premier rang).

Une voix d'homme :
Alors quelle nouvelle ?

Une voix de femme :
La Flûte de Pan est morte...

(Noir, puis on entend la Flûte de Pan guillerette et s'éloignant).

A Audeloncourt, près de chez Louise 4 juillet - 12 septembre 1999