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ZEN... ET ARTS MARTIAUX

"Je viens vers toi les mains ouvertes... mais s'il le faut je me défendrai avec mes armes : mes mains ouvertes".

Cette phrase que tout pratiquant connaît exprime la philosophie ancestrale des arts martiaux : on apprend et on travaille les techniques pendant des années, durant de très longues heures dans un dojo, un art qui ne nous sert pas à nous battre, mais qui est un moyen d'éduquer notre corps et notre esprit.

Au cinquième siècle avant Jésus-Christ, en Inde, le Bouddha Shakyamuni réalisa l'éveil en posture de zazen et enseigna son expérience à ses contemporains. Cet enseignement s'est transmis sans interruption de maître à disciples de génération en génération ; développpé en Inde, il arriva en Chine, puis au Japon où il prit le nom de Zen. Qui aurait pu imaginer que cette philosophie orientale traverse un jour les murs de notre cité, capitale des Gaules et de l'andouillette, pour venir se nicher, il y a plus de dix ans, au dojo zen de Lyon (à Villleurbanne): centre de pratique du zen à Lyon ?

"Le Zen est basé sur la philosophie du boudhisme. Il n'est pas lui-même une philosophie mais une pratique. Par conséquent, il est basé sur la vie."

Dans le même esprit, le samedi 12 février 2000, l'association de jujitsu organisait une rencontre afin de présenter au plus grand nombre différentes démonstrations d'arts martiaux japonnais: aïkido, karaté, jodo, kyodo et jujitsu...

A notre arrivée, l'Espace Mont-d'Or (Champagne aux Monts d'Or) était rempli d'enfants en kimono, s'agitant sur les tatamis, l'atmosphère zen de calme et de concentration n'était vraisemblablement pas de rigueur... Proche de l'espace consacré des tatamis, plusieurs stands complétaient le thème du jour. L'un vantait les bienfaits des massages shitsu (fondés sur les points de commpressions du corps), un second vendait moultes figurines et statuettes de boudha et distillait dans l'air plusieurs fragrances d'encens, un troisième exposait des bonsaïs et expliquait gracieusement à celui qui n'avait pas la main verte les mille et une façons d'entretenir ce petit arbre oriental.

16h30, le gong retentit, le "spectacle" commence, présidé par M. Pascal Brière. Les démonstrations s'enchaînent dans un silence respectueux, au milieu d'un public médusé.
L'important est de comprendre que l'aïkido, le jodo, le ju-jistu ne sont pas des sports, il n'y a pas de tournois, aucun sentiment de compétition ou de domination n'est exacerbé chez ses participants. La dimension spirituelle prime, l'acquisition des techniques se fait par le développement du continuum corps-esprit. Seuls les grades , les dan (du premier au huitième) différencient les participants, du débutant au maître.
Novice en la matière, ce sont plus des sensations et des impressions qui me touchèrent que la technique propre.
La sobriété des tenues m'a tout d'abord frappée, leurs kimonos étaient rehaussés de longues jupes-culottes noires, habit traditionnel japonnais des samouraïs (pour leur permettre de monter aisément à cheval). Elles donnaient à leur moindre déplacement une ampleur et une élégance dans les gestes qui neutralisaient leurs actes violents quand ils maniaient le couteau (aïkido) ou le bâton (jodo). Chaque assaut était précédé d'une salutation.

Pas de transpiration, de foule hurlante, ou de supporters déchaînés ; calme, silence et concentration aussi bien dans les gradins que dans "l'arène tatamique". Ce n'était pas Gerland, mais une petite porte des mystères de l'Asie (qui nous fascine tant, nous autres Occidentaux) qui s'ouvrait devant mes yeux. Les assauts s'accompagnaient de cris, qui donnaient à l'ensemble une impression de force contenue, quand un bras ou une cheville tordus faisaient souffrir l'attaquant maîtrisé, ce dernier tapait plusieurs fois de suite sur le tatami pour signifier sa douleur. Toutes les attaques débutaient à genoux, car dans le Japon traditionnel, l'on vivait ainsi. En raison de cette posture quotidienne particulière, s'est élaborée une technique de défense consistant à neutraliser l'ennemi debout qui pénétrait dans l'antre familiale.

Attention, si ces gestes de défenses et d'attaques paraîssent simples, ils nécessitent cependant des années d'apprentissage afin de les maîtriser correctement ; chaque mouvement est plus qu'un simple geste, c'est une extension du bras et de l'esprit. La facilité n'est qu'apparence.

Le point d'orgue de ces démonstrations fut le Kyudo : deux hommes et une femme, à la démarche altière, pénétrèrent dans l'enceinte des tatamis, harnachés d'immenses arcs. Leur rituel de préparation fut impressionant, ils se vêtirent acroupis et replièrent interminablement leurs tenues par des plis savants. Une seconde d'éternité s'écoula. Puis l'un après l'autre, ils se présentèrent devant la cible pour tirer. Le silence régnait , nous n'entendîmes que le sifflement de la flèche se loger dans la cible en paille. Chaque mouvement de tir se fond dans la respiration d'un tout inséparable, à l'inverse d'un arc occidental où l'on se concentre avant tout sur les bras et les épaules ; l'attention avec l'arc japonais est centrée sur la région située sous le nombril : le tandem, m'expliqua plus tard l'un de ses adeptes.

Afin de mieux comprendre ces différents arts martiaux japonnais, nous vous proposons un petit lexique :

AIKIDO

"aï": union, harmonie ; "ki": souffle vital ; "do" : voie

Art martial développé à partir de 1931 par Ueshiba Morihei (1881-1969), outre les techniques de défense, cet art propose un véritable "art de vivre". U. Morihei qui avait étudié dès sa prime jeunesse les techniques du Jujitsu et du Kenjustu, mais les trouvant trop guerrières, inventa une méthode essentiellement "protectrice", alliant l'esprit de décision, la connaissance de l'anatomie et la rapidité des réflexes. L'Aïkido refuse les corps à corps, c'est un jeu plus subtil de mouvements, d'esquives et de déplacements, il a pour but de retourner la force de l'adversaire contre lui. U. Morihei voulait aussi créer un art martial typiquement japonais ( contexte où le nationalisme japonais était à son apogée). En un mot, l'Aïkido est un art de combattre à mains nues, même contre un adversaire armé, il fait surtout appel à deux catégories de mouvements : ceux de "contrôle" et ceux de "projection" de l'adversaire (il existe plus de sept cents mouvements différents appartenant à ces deux catégories) ; le combattant doit se défaire d'une prise de mains, projeter l'adversaire au sol en lui forçant les membres, et enfin l'immobiliser en lui forçant les articulations : ces trois séries constituent dans l'Aïkido les mouvements basiques de défense.
L'Aïkido compte actuellement plus de un million d'adeptes dans le monde et 55 000 en France.

JODO

"Voie du bâton court"

se décompose en douze mouvements de base, codifiés en 1965 ; dans l'entraînement et les combats, les combattants vêtus d'un Hakama et d'un Haori, ne portent aucune protection. Le Jodo ne vise pas à tuer l'adversaire mais seulement à le neutraliser. L'adepte de cet art se nomme Shijo. La police japonaise fait malheureusement grand usage du bâton court dans les manifestations à réprimer.

JUJITSU

"Science de la souplesse"

technique de combat élaborée par des guerriers japonnais (les Bushi) au douzième siècle, afin de permettre au combattant désarmé de se défendre face à un ennemi armé. Le Jujitsu vise à vaincre un adversaire en utilisant le minimum de forces, ainsi l'adepte doit savoir jauger la force de son assaillant et l'utiliser contre lui, esquiver ses attaques et le déséquilibrer, repérer ses points faibles et l'immobiliser au sol en lui tordant les membres ou en l'étranglant, enfin le frapper de manière à lui faire perdre connaissance, à le blesser voire à le tuer.
Dans le Japon ancien, le Jujitsu fut pratiqué par les samourai puis plus tard par les ninja, et surtout par les bandits, ce qui explique sa mauvaise réputation...
Détrôné par le judo, le karaté et l'aïkido, le Jujitsu a perdu beaucoup de sa renommée, c'est cependant de lui que découlent la plupart des techniques actuelles des arts martiaux.

KYUDO

"Voie du tir à l'arc"

la pratique du tir à l'arc pour chasser ou pour combattre est très ancienne au Japon, de nos jours quoique peu usité, il est de rigueur dans les tournois de sumo. Les ninja utilisèrent le Kyudo durant deux siècles : le dix-septième et le dix- neuvième. Mais c'est à la fin du quartorzième siècle que les maîtres archers codifièrent la pratique de l'archerie. Le Kyudo doit apporter à son adepte l'équilibre, la domination de soi, l'élévation de la pensée, l'harmonie et la sérénité dans l'effort. Il se trouva revalorisé au début du vingtième siècle, grâce à l'ouvrage d'Eugen Herrigel, Le Zen dans l'art chevaleresque du Tir à l'Arc, destiné aux Occidentaux. Au Japon, on compte plus de 500 000 participants qui s'entraînent dans des dojo, les cibles sont généralement placées à plus de 60 mètres.

A vos kimonos...

K.Périllat