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Esmeralda

De Frollo, dont l'âme est servile d'une image féminine et qui a chu dans la gehenne, forteresse de sa passion pour la gitane, à Quasimodo dont les chairs malheureusement tournées demeurent une réalité menaçante et permanente, en passant par la jolie danseuse équilibrant par ses charmes et sa douceur angélique la sourde atmosphère qui enveloppe de ses soupirs rauques le malaise de toute une foule animale et ignorante...

Tous semblent témoigner de cette lutte désespérée qui est celle de l'homme contre l'ineluctable fatalité, image par excellence de toutes les cervitudes séculaires pesant sur l'individu et dont il lui importe de se délivrer.

L'âme de chacun, de nature bivalente, tantot humaine tantot bestiale, parait faire un splendide écho à la monstruosité corporelle du bossu ; ainsi, Quasimodo serait non un triste hère difforme isolé mais bien la grâce de tous à l'image d'une société ou tout est hybride et propre à engendrer le chaos.

L'âme de l'humanité se convulse ; aux prises avec la matière, l'ombre semble avoir enfanté l'âme dans la tourmente de ses gouffres, telle une spirale sans fond s'ouvrant sur un vertige d'abîmes aux parois plus abruptes les unes que les autres.

Frollo est le singulier témoin de cette alternative mystérieuse qui existe entre l'ombre et la lumière, entre formes matérielles et immatérielles car il n'ignore pas la citoyenneté inéluctable de l'infini qui oppresse et duquel on est pourtant solidaires. Il est celui qui regarde et qui tente d'épeler l'obscurité, immense étoffe noire jetée sur les épaules du monde et qui au rythme de ses nombreux plis fait cohabiter le bien et le mal engendrant chaos et pâles incertitudes.

L'humanité serait-elle comparable à une immense cage dans laquelle se heurteraient des êtres effarés ? Vers les coins les plus sombres de cette géole aux frontières impalpables convergeraient alors toutes les figures grimaçantes des spectres déguisés en homme.

Alors un fil tendu entre deux hauteurs est un chemin inattendu que l'on doit parcourir suspendu entre le ciel et la terre sans une sensation permanente de vertige et d'exaltation que procure toute élèvation (si éphémère soit-elle).

Il convient de s'y engager avec délicatesse, ignorant (ou feignant de l'être) de la verticalité de l'abîme, conscient du défi jeté et que l'on se propose de vaincre par les folles lois de l'équilibre (il n'y a pour cela qu'à suivre la progression aérienne de la Esmeralda).

Le hasard ne doit rentrer en rien dans le succès de chaque foulée achevée quand toute une dose d'adresse et de courage est nécessaire à les réaliser. La progression doit demeurer constante et se targuer de n'être jamais hésitante.

La franchise en tous pas garantie la fatale chute.

Ainsi, progressez, augustes rêveurs, guidés par l'enivrement de votre vision aux accents du chant de ces toiles...

Axelle MAURY